Vladimir Poutine n’a jamais caché que la dislocation de l’empire soviétique représentait pour lui « la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle ». Depuis la chute du gouvernement Ianoukovitch en Ukraine et l’annexion de la Crimée, son discours n’a cessé de se radicaliser, révélateur de ses ambitions grandissantes dans l'est de l'Europe.
18 mars : « Nous ne souhaitons pas une partition de l'Ukraine »
Quelques minutes avant de signer le traité d’annexion de la Crimée, le 18 mars, le président russe, dans un long discours aux accents nationalistes, souhaite se montrer rassurant : « Ne croyez pas ceux qui cherchent à vous effrayer avec la Russie et qui hurlent que d'autres régions vont suivre l'exemple de la Crimée (…). Nous ne souhaitons pas une partition de l'Ukraine, nous n'en avons pas besoin. »
Il évoque aussi, au détour d’une phrase, les Ukrainiens, qu’il considère alors comme un « peuple frère». Un positionnement conciliant qui ne tardera pas à voleren éclats.
29 mars : « Pas d'autre chemin que la fédéralisation »
Parallèlement, l’idée d’une « fédéralisation » fait son chemin, suggérée à l’Ukraine par le Kremlin. Si Poutine ne s’est pas exprimé publiquement à ce sujet, son ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, déclare le 29 mars 2014 : «Nous ne voyons pas d'autre chemin à suivre que la fédéralisation pour l'Etat ukrainien. »
Il affirme même, le 16 avril, que « l’Etat unitaire en Ukraine a cessé de fonctionner ». La fédéralisation aurait donné aux régions une autonomie accrue et un droit de veto sur les grands choix de Kiev. « Un scénario soft pour Moscou », selon l’analyse du politologue Volodymyr Fessenko, cité à l’époque dans Le Monde.
17 avril : « L'Ukraine c'est “la Nouvelle Russie” »
Lors d’un show télévisé de quatre heures, le 17 avril, le président russe déclare que l’Ukraine n’est pas un Etat à part entière mais un appendice russe qu'il appelle « la Nouvelle Russie », ou « Novorossia », une terminologie datant de l’époque des tsars désignant une partie du pays.
« L'Ukraine, c'est “la Nouvelle Russie”, c'est-à-dire Kharkov, Lougansk, Donetsk, Kheerson, Nikolaev, Odessa. Ces régions ne faisaient pas partie de l'Ukraine à l'époque des tsars, elles furent données à Kiev par le gouvernement soviétique dans les années 1920. Pourquoi l'ont-ils fait ? Dieu seul le sait. »
« Parler de “Novorossia”, c’est jouer avec un imaginaire impérial, patriotique, d’une Russie qui incarnerait une identité qui dépasserait ses frontières, analyse Kevin Limonier, chercheur à l’Institut français de géopolitique spécialisé sur la Russie.Cette représentation duale du monde, avec une phraséologie très soviétique, aideVladimir Poutine à se renforcer, notamment face aux difficultés qu'il connaît dans son pays. »
9 mai : Rétablissement de « la vérité historique »
Poutine a de nouveau recours à l’histoire en demandant aux partenaires occidentaux de la Russie de « tenir compte des intérêts légitimes, comme le rétablissement de la vérité historique ». « Poutine a toujours fait appel à l’histoire dans ses discours, souligne Kevin Limonier, mais on assiste depuis la chute de Ianoukovitch à une intensification et à une radicalisation de cette récupération. »
29 août : « Un seul et même peuple »
Si le 18 mars, Poutine considérait les Ukrainiens comme un « peuple frère », il opère un glissement quelques mois plus tard en affirmant lors d’un forum de la jeunesse le 9 mai à Moscou que « le peuple russe et le peuple ukrainien forment quasiment un seul et même peuple ». A cette occasion, il cite de nouveau la « Novorossia », affirmant que les séparatistes prorusses de l'Est ukrainien en sont les défenseurs.
31 août : « Statut étatique pour le sud-est de l'Ukraine »
Vladimir Poutine franchit un nouveau cap dans la radicalisation de son discours le 31 août, en évoquant pour la première fois la création d'un Etat dans l'est de l'Ukraine : « Nous devons commencer immédiatement des discussionssubstantielles (…) sur des questions touchant à l'organisation politique de la société et à un statut étatique pour le sud-est de l'Ukraine afin de protéger les intérêts légitimes des personnes qui y vivent. » Le porte-parole du Kremlin a néanmoins nuancé ces propos, assurant que les médias les avaient surinterprétés et que Poutine n'avait pas évoqué la création d'un Etat.
Cinq mois après l’annexion de la Crimée, le « scénario soft » semble toutefois bel et bien enterré.
Je suis passionné des bons plans du web pour faire des économies.