Airbnb : l’incroyable succès des locations entre particuliers

Airbnb, Wimdu, Housetrip… Ces sites bouleversent l'hébergement touristique et attirent des millions d'adeptes.

Et dire qu'il y a six ans Airbnb n'était qu'une start-up lancée à San Francisco avec un projet gentiment hippie. L'idée? Permettre, moyennant une participation financière, de loger des visiteurs de passage dans le salon ou sur un matelas pneumatique (d'où le nom du site évoquant un bed & breakfast sur matelas gonflable). Aujourd'hui, ce mastodonte propose 800.000 hébergements dans le monde, une capacité supérieure au groupe Intercontinental, leader mondial de l'hôtellerie, et vaut 10 milliards de dollars en Bourse. On y trouve tout type de logement depuis la chambre à partager jusqu'à la villa de luxe, accessible en quelques clics et payable en ligne.

Une réussite particulièrement visible en France, second marché mondial du site après les États-Unis. «Le succès estival nous a permis de franchir le cap des 2 millions de voyageurs utilisant nos services dont un million sur les six derniers mois», se félicite Nicolas Ferrary, directeur France d'Airbnb. À l'origine, le phénomène touchait surtout une clientèle jeune, sans enfant, cherchant un logement de court séjour à Paris, mais ne cesse de s'élargir depuis. Début 2012, bien plus de la moitié des 7000 annonces françaises du site concernaient Paris alors qu'aujourd'hui la capitale représente 25.000 des 70.000 logements proposés. «Cet été, 43 % de nos voyageurs sont partis en famille et les locations en bord de mer ont énormément progressé, surtout en Corse et à Deauville», explique Nicolas Ferrary. Sur l'île de Beauté, les réservations ont été multipliées par 9 en un an.

Des logements détournés de leur vocation

Comment expliquer un tel phénomène de société? «À la base, c'est l'aspect économique de la formule qui a fait son succès en permettant à une génération mobile et désargentée de se loger à moindres frais, souligne Arthur de Grave, animateur du cercle de réflexion Ouishare dédié à l'économie collaborative. Mais aujourd'hui, c'est une façon de voyager à part entière, une expérience différente.» «J'ai découvert ce genre de location en 2012 pour mon premier voyage en famille aux États-Unis, explique Marie, 36 ans, utilisatrice enthousiaste. Cela m'a permis d'habiter à moindres frais sur la 9e Avenue à New York mais surtout de rencontrer les habitants, de m'intégrer à la vie de la ville, y faire mes courses.» Depuis, elle enchaîne les séjours au Canada, en Floride ou en Angleterre toujours avec la même recette. Et elle n'envisage plus l'hôtel, «sauf peut-être pour un court séjour en dernière minute».

«À 40 euros la nuit pour un couple avec le petit déjeuner, on ne le fait pas pour l'argent mais cela alimente notre cagnotte pour les vacances»

Romain Giacalone, qui loue sa maison de provence

Au-delà de permettre une location comme n'importe quel site d'annonces, le succès d'Airbnb tient à la création d'un réseau social où propriétaires et locataires font connaissance, échangent des conseils et adresses. «Ils n'ont rien créé de vraiment nouveau, mais ont su mettre en place des outils pour générer la confiance et permettre de loger chez soi des inconnus comme on le ferait avec des proches ou la famille», estime Arthur de Grave. Romain Giacalone fait partie de ces particuliers qui ont franchi le pas pour accueillir des visiteurs dans sa maison de Provence. «Grâce aux commentaires et aux profils, on se fait une idée assez précise des gens qui souhaitent loger chez nous, explique-t-il. Je n'avais pas envisagé cette formule auparavant mais c'est une merveilleuse ouverture sur le monde. À ce jour, nous avons reçu des visiteurs de 25 nationalités et sommes toujours en contact avec une partie d'entre eux.» Quant aux rentrées financières: «À 40 euros la nuit pour un couple avec le petit déjeuner, on ne le fait pas pour l'argent mais cela alimente notre cagnotte pour les vacances.»

Près de 30.000 logements parisiens détournés de leur vocation

Mais la réussite phénoménale de ces sites fait grincer les dents des hôteliers et des pouvoirs publics. Les procédures judiciaires se multiplient à l'étranger et démarrent en France pour condamner les propriétaires les utilisant pour une véritable activité commerciale. «Notre cible, ce ne sont pas les particuliers qui louent leur résidence principale moins de quatre mois par an conformément à la loi, précise Jean-François Martins, adjoint au maire de Paris en charge du tourisme. Eux créent une offre supplémentaire d'hébergement contrairement aux multipropriétaires qui vivent illégalement de leurs locations et détruisent l'habitat parisien.» Selon les statistiques de la Ville, près de 30.000 logements parisiens sont ainsi détournés de leur vocation. Et pour les contrevenants, Paris ne dispose que d'une équipe de 7 personnes et compte pour l'instant à peine une dizaine de condamnations devant les tribunaux.