Affaire Lambert : ce que la France va plaider à Strasbourg

Dans un document transmis aux juges européens, le gouvernement défend l'arrêt des soins prodigués au jeune tétraplégique.

Le gouvernement français plaide pour l'arrêt des soins prodigués à Vincent Lambert, ce tétraplégique de 38 ans dont l'euthanasie divise la famille et l'opinion. Poursuivie devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) par les parents et deux frère et sœur de Vincent Lambert, la France a rendu ses observations à la CEDH, une étape prévue par la procédure avant que la Cour européenne ne rende son jugement dans les prochains mois. Dans ce document que s'est procuré Gènéthique, le site d'actualité bioéthique de la Fondation Lejeune, le gouvernement demande à la Cour de rejeter la requête de la famille de Vincent Lambert s'opposant à l'arrêt des soins. Cette partie de la famille avait saisi la CEDH en juin, alors que le Conseil d'État rendait un arrêt défavorable au maintien en vie du tétraplégique.

Selon les parents du jeune homme, cette décision constituait une violation des articles 2 et 3 de la Convention, qui garantissent le droit fondamental à la vie et prohibent la torture et les traitements inhumains ou dégradants. Compte tenu du «risque imminent de dommage irréparable», la CEDH avait répondu en 24 heures à la requête des parents, faisant droit à leur demande et prenant des mesures provisoires contre la France. L'application de la décision du Conseil d'État était ainsi suspendue par la Cour européenne, donnant obligation au CHU de Reims où est toujours hospitalisé Vincent Lambert de le maintenir en vie.

Dans ses 26 pages d'observations et 194 points consultés par Le Figaro, le gouvernement français «réclame une exception française pour déroger à la Convention européenne des droits de l'homme», analyse Gènéthique. Le document défend la conformité de la loi Leonetti avec le respect des droits de l'homme et le bien-fondé de son application au cas Lambert. Il reprend toute l'argumentation développée par le Conseil d'État et expose qu'«en l'absence de consensus entre les États membres du Conseil de l'Europe – qui ont adopté des législations différentes -, une large marge d'appréciation doit leur être reconnue». Il souligne aussi le «contexte particulier» de l'affaire, «différent des cas auxquels la Cour a été jusqu'alors confrontée», ce qui, selon lui, «rend particulièrement délicate toute interprétation de la jurisprudence antérieure de la Cour».

La France insiste sur le fait que si les États doivent «s'abstenir de provoquer la mort» par «l'obligation positive de protéger la vie», ce «cas d'espèce» soulève moins la question d'«une décision visant à provoquer la mort» que celle de «l'attitude à adopter à l'égard de la vie d'un patient profondément altérée par une affection grave et incurable». «Le législateur, défend le gouvernement, a entendu combiner le droit au respect de la vie avec une autre liberté fondamentale: le droit de toute personne de ne pas subir un traitement médical qui traduirait une obstination déraisonnable». Aucune erreur pour lui, «l'ensemble des conditions et garanties exigées par le Code de la santé publique ont été parfaitement respectées», l'exécution de la décision d'arrêt de la nutrition et de l'hydratation artificielles «ne constitue pas une violation de la loi», elle n'est «pas contraire aux stipulations des articles de la Convention», ni pour Vincent Lambert, ni pour les requérants. Avant le 16 octobre, ces derniers devront répondre à ces observations à la CEDH, avant qu'une audience ne soit fixée, «dans les six mois, peut-être avant la fin de l'année», estime un avocat.