ISLAMABAD – Des centaines de manifestants exigeant la démission du premier ministre pakistanais Nawaz Sharif ont fait irruption lundi dans la télévision d'État et interrompu la diffusion de la chaîne, avant d'être refoulés par l'armée, dernier épisode d'une crise politique qui s'aggrave au Pakistan.
«Des manifestants sont entrés dans les bureaux de PTV (Pakistan TV) ils débranchent les fils, nous sommes en état de siège, ils sont en train de pirater notre diffusion», avait déclaré un présentateur sur PTV. Quelques instants plus tard, la chaîne n'émettait plus.
Les manifestants, munis de gourdins, ont aussi détruit des installations de la chaîne et décroché des affiches du premier ministre Nawaz Sharif. Une demi-heure plus tard, l'armée, respectée par les manifestants contrairement à la police, et des paramilitaires évacuaient sans heurts les locaux de la télévision d'État qui a depuis repris sa programmation.
La capitale Islamabad vit depuis la mi-août au rythme des manifestations des opposants Imran Khan, ancienne vedette de cricket au look de séducteur rebelle, reconverti en homme politique nationaliste, et Tahir ul-Qadri, un chef religieux établi au Canada, qui exigent la démission du premier ministre Nawaz Sharif.
Les deux opposants accusent M. Sharif d'avoir bénéficié de fraudes massives lors des élections législatives de mai 2013 ayant porté au pouvoir sa Ligue Musulmane (PML-N) à la tête d'un gouvernement majoritaire dans un scrutin jugé crédible malgré des irrégularités par les observateurs internationaux.
Les manifestations étaient restées pacifiques jusqu'à samedi soir lorsque les deux opposants ont appelé leurs partisans à se rendre devant la résidence du premier ministre Sharif, sur l'avenue de la Constitution, près de l'enclave diplomatique où sont établies les principales ambassades.
Devant l'afflux de milliers de manifestants, la police pakistanaise avait eu recours pour la première fois depuis le début de la crise au gaz lacrymogène et à des balles en caoutchouc.
Ces affrontements entre policiers et manifestants, qui se poursuivaient lundi dans le centre-ville d'Islamabad, ont fait au moins trois morts et près de 500 blessés, dont une centaine de femmes et des enfants, d'après les services de santé.
Provoquer la chute de Sharif ?
Dans un pays à l'histoire jalonnée de coups d'État, plusieurs analystes soupçonnent les opposants Khan et Qadri d'être téléguidés par les militaires afin d'affaiblir M. Sharif, voire de provoquer un chaos qui entraînerait une intervention musclée de l'armée.
Le premier ministre Sharif s'est d'ailleurs entretenu lundi avec le chef de l'armée, le général Raheel Sharif, avec lequel il ne partage aucun lien de parenté direct, des discussions à l'origine de vives spéculations.
«Le chef de l'armée a demandé à Nawaz Sharif de démissionner. L'armée souhaite la formation d'un gouvernement d'unité nationale incluant des membres de la PML-N», a déclaré Fawad Chaudhry un analyste proarmée, alors que des ténors du gouvernement et le porte-parole de l'armée démentaient catégoriquement ces rumeurs.
«Imran Khan nous a dit qu'il ne pouvait avancer sans l'armée, que le scénario était déjà écrit et que des élections allaient être annoncées en septembre…», a toutefois affirmé Javed Hashmi, un cadre Parti de la Justice (PTI) d'Imran Khan en rupture avec la formation.
Selon des analystes, l'armée reproche à Nawaz Sharif d'avoir trop attendu avant de déclencher, en juin, une opération militaire contre les fiefs talibans dans le Waziristan du Nord, sa tentative de rapprochement avec l'Inde rivale et le procès pour «haute trahison» intenté au général Pervez Musharraf, une première dans l'histoire du Pakistan.
Sur le terrain, les manifestants ne tarissent pas d'éloge envers l'armée qui protège les édifices clé du centre-ville, mais n'est pas impliquée dans les affrontements contrairement à la police.
«Nous attendons l'aide de l'armée. Nous y croyons. Si Dieu le veut l'armée nous sauvera, elle intercédera en notre faveur», a déclaré Ammara, une fidèle du religieux Tahir ul-Qadri qui campe depuis deux semaines dans la capitale.
Des policiers découragés, eux, accusent les militaires de connivences avec les manifestants. «C'est vraiment triste pour le pays car l'armée est du côté des manifestants qui, eux, obéissent à l'armée», a déclaré un officier requérant l'anonymat alors que certains de ses collègues frustrés se retiraient du centre-ville. «La police ne sert à rien, c'est clair», a-t-il pesté.
Source AFP
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