MOGADISCIO – Les État-Unis ont frappé dans la nuit de lundi à mardi en Somalie une réunion des principaux chefs des islamistes shebab, dont leur chef suprême Ahmed Abdi «Godane», dont le sort reste inconnu pour l'instant.
«Les Américains ont mené une importante frappe aérienne visant une réunion des hauts responsables shebab, dont leur chef Abu-Zubeyr», un des nombreux alias et noms de guerre de «Godane», a expliqué mardi à la presse Abdikadir Mohamed Nur, gouverneur de la province méridionale de Basse-Shabelle visée par le bombardement.
«Ils étaient réunis pour discuter de l'offensive» lancée aux premières heures de samedi dans la Basse-Shabelle par les forces progouvernementales somaliennes, appuyées par la Force de l'Union africaine en Somalie (Amisom), dont les effectifs ont été portés à 22 000 hommes en janvier.
L'opération américaine a «infligé des pertes aux partisans d'Al-Qaïda mais nous n'avons pas de détails dans l'immédiat», a poursuivi le gouverneur. «La zone visée était un important repaire des shebab et un camp d'entraînement pour leur kamikazes».
Interrogés par l'AFP, les shebab n'ont pas souhaité s'exprimer dans l'immédiat sur le sort de Godane ou sur d'éventuels tués dans leurs rangs après la frappe américaine.
Washington a mis à prix la tête de Godane, 37 ans, pour 7 millions de dollars. Il est l'un des 10 personnages les plus recherchés au monde par les États-Unis pour terrorisme.
Issu du clan Issaq du Somaliland, éduqué au Pakistan, «Godane» est présenté comme ayant été formé aux armes en Afghanistan. Fluet, fuyant les objectifs, il est, au sein des shebab, l'un des partisans les plus radicaux du «djihad mondial», s'opposant aux tenants d'une idéologie «nationaliste» somalienne.
Le Pentagone avait annoncé dans la nuit de lundi à mardi avoir mené une opération contre les shebab en Somalie, sans donner d'autres détails, notamment sur les moyens employés, indiquant simplement être «en train d'évaluer les résultats».
Le retour des chefs de guerre
Dans le cadre de leur nouvelle offensive, baptisée «Océan Indien», les forces somaliennes et l'Amisom ont repris samedi aux shebab la localité de Bulomarer, dans la Basse-Shabelle, à environ 160 km à l'ouest de Mogadiscio, se rapprochant de leur prochain objectif avoué, Barawe, dernier grand port encore aux mains des islamistes.
Le charbon de bois que les shebab exportent de Barawe, principalement vers les pays du Golfe, leur rapporte environ 25 millions de dollars par an. Le port est donc crucial pour leur financement.
Bulomarer était le dernier lieu de détention de «Denis Allex», pseudonyme d'un agent des services français de renseignement enlevé en juillet 2009 à Mogadiscio et otage des shebab.
En janvier 2013, un raid français sur Bulomarer avait échoué à le libérer, l'opération se soldant par sa mort et celle de deux militaires français. Les corps d'Allex et d'un des deux militaires tués n'avaient pu être récupérés.
Depuis août 2011, les shebab ont été chassés de Mogadiscio, puis progressivement de l'essentiel de leurs bastions du sud et du centre de la Somalie, dont ils contrôlèrent un temps la majeure partie.
Ils tiennent toujours néanmoins de larges zones rurales et, face à la puissance de feu supérieure de l'Amisom, ont abandonné le combat conventionnel pour les opérations de guérilla, notamment à Mogadiscio, où ils ont mené récemment des attaques spectaculaires contre la présidence et le Parlement.
Dimanche, au lendemain de la perte de Bulomarer, un commando shebab avait également attaqué dans le centre de Mogadiscio le quartier général des services somaliens de renseignement, où sont emprisonnés nombre d'islamistes.
Les sept membres du commando avaient finalement été tués après 45 minutes de combats, qui ont aussi fait trois morts dans les rangs des forces somaliennes.
La Somalie est privée de réelle autorité centrale depuis la chute du régime autoritaire du président Siad Barre en 1991 qui a plongé dans le chaos le pays, que se sont partagés milices de chefs de guerre, groupes armés islamistes et gangs criminels.
L'actuel gouvernement somalien, présenté par la communauté internationale comme le meilleur espoir de paix et de retour à un État depuis deux décennies, peine à asseoir son pouvoir au-delà de Mogadiscio et sa périphérie malgré les défaites militaires des shebab, qui laissent dans de nombreuses régions la place à des chefs de guerre tentant d'imposer leur propre autorité.
Source AFP
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