Un ex-otage français en Syrie, le journaliste Nicolas Hénin, a révélé samedi que Mehdi Nemmouche, le djihadiste français auteur présumé de la fusillade au Musée juif de Bruxelles, avait été l'un de ses geôliers et l'avait frappé pendant sa détention.
Les quatre journalistes français otages en Syrie de juin 2013 à avril 2014 -Nicolas Hénin, Pierre Torrès, Didier François et Édouard Élias- ont reconnu Nemmouche sur des photos après son arrestation fin mai.
L'information devait rester secrète, mais l'hebdomadaire Le Point, employeur de Nicolas Hénin, a publié son témoignage «glaçant» après que le quotidien Le Monde a révélé que Nemmouche «aurait été l'un des geôliers des otages occidentaux détenus» en Syrie par l'État islamique (EI). Nicolas Hénin a expliqué sortir de sa réserve «pour informer le public».
Collègue et codétenu de Nicolas Hénin, l'ex-otage Didier François a critiqué samedi ces révélations estimant que cela «pose un véritable problème pour l'enquête».
«Cela permet malheureusement d'alerter les autres ravisseurs sur le fait que les services français détiennent des éléments sur les membres de ce groupe terroriste ayant déjà perpétré des attentats. Du coup, ça va leur permettre de se protéger, ce qui met en danger le travail des spécialistes du contre-terrorisme et les citoyens français», a expliqué au journal Libération Didier François, journaliste à la radio Europe 1.
Le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a confirmé que les services avaient «transmis à la justice des éléments laissant à penser qu'il (Nemmouche) aurait pu être le geôlier de nos otages» dès que les autorités ont été en possession de ces informations, sans donner de détails. Il a néanmoins assuré que Nemmouche «sera jugé.
Nemmouche, 29 ans, est actuellement détenu en Belgique où il a été inculpé, soupçonné de quatre assassinats commis le 24 mai au nom du djihad au Musée juif de Bruxelles.
Arrêté en possession d'armes, d'un «drap» marqué d'un sigle État islamique (EI) et d'un film évoquant la tuerie du musée juif lors d'un contrôle de routine à Marseille le 30 mai, ce Français d'origine algérienne, parti faire le djihad en Syrie au sein de l'EI, a été remis fin juillet à la justice belge par la France.
«Abou Omar le cogneur»
Dans son témoignage, Nicolas Hénin présente Nemmouche comme «Abou Omar, le cogneur». Il décrit un Nemmouche «membre d'un petit groupe de Français dont la venue terrorisait la cinquantaine de prisonniers syriens détenus dans les cellules voisines. Chaque soir, les coups commençaient à pleuvoir dans la salle dans laquelle j'avais moi-même été interrogé».
Il le décrit dans Le Point comme un geôlier «égocentrique et affabulateur pour qui le djihad n'est finalement qu'un prétexte pour assouvir sa soif maladive de notoriété. Un jeune homme paumé et pervers».
«Il n'était probablement pas parti en Syrie pour se battre pour un quelconque idéal, mais avant tout, sans doute par manque de reconnaissance, pour se réaliser, pour réaliser une sorte de cavalcade meurtrière dont il avait fomenté le dessein», a abondé le journaliste devant la presse.
Ses collègues et lui ont été «en contact de juillet à décembre 2013» avec Nemmouche, a-t-il précisé.
Peu après la libération des quatre journalistes français, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius avait indiqué que certains de leurs geôliers s'exprimaient en français.
Des centaines d'Occidentaux sont partis faire le djihad en Syrie. Les assassins masqués des deux journalistes américains James Foley et Steven Sotloff s'expriment par exemple sur les vidéos de leurs décapitations avec des accents londoniens.
Mehdi Nemmouche, qui garde le silence sur les faits qui lui sont reprochés, doit comparaître le 12 septembre devant la chambre du Conseil de Bruxelles. Cette juridiction d'instruction doit décider de prolonger ou non sa détention préventive, selon son avocat belge, Me Henri Laquay.
En France, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris, en 2013, pour «enlèvement et séquestration en relation avec une entreprise terroriste» à la suite de l'enlèvement des journalistes français en Syrie. Une autre l'a été après l'arrestation de Mehdi Nemmouche pour «assassinat, tentative d'assassinat, détention et transport d'arme en lien avec une entreprise terroriste».
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